Face aux dérives, le ministère de la Justice impose des mesures urgentes

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Le ministère de la Justice a adopté des mesures urgentes afin de faire face aux dépassements constatés dans la réalisation de promotions immobilières destinées à la vente d’appartements et de locaux commerciaux, mais effectuées « sous couvert de constructions familiales ». Les notaires ont été instruits, à cet effet, d’exiger la présentation d’un certificat d’agrément de promoteur immobilier, en plus de l’inscription au registre de commerce et de l’immatriculation au tableau national des promoteurs immobiliers, lors de la conclusion des actes notariés liés à ce type de bâtisses.

Dans une correspondance (n°4115) adressée au président de la Chambre nationale des notaires concernant « la conclusion d’actes notariés relatifs à l’activité de promotion immobilière », le ministère a révélé que certains particuliers entreprennent la construction d’immeubles présentés comme des habitations familiales, mais qui, en réalité, relèvent de la promotion immobilière puisqu’ils visent la vente de logements et de locaux commerciaux. Ces personnes exercent ainsi une activité de promoteur immobilier sans disposer du certificat d’agrément requis, en violation de l’article 4 de la loi n°11-04 régissant la promotion immobilière. La même correspondance rappelle que cette infraction est punie conformément à l’article 77 de ladite loi, lequel renvoie à l’article 243 du Code pénal.

Pour contrer ce phénomène, le ministère a demandé aux notaires d’être particulièrement vigilants lors de la rédaction des actes notariés afférents à ces opérations, notamment en vérifiant la qualité juridique des parties contractantes, conformément aux dispositions légales. En l’absence de déclaration claire sur la nature de l’activité, la présentation d’un état descriptif de division comportant un nombre important de lots lors de la rédaction d’actes de vente ou d’achat constitue déjà un indicateur suffisant de l’exercice d’une activité de promotion immobilière.

Dans ce cas, les notaires doivent exiger un certificat d’agrément de promoteur immobilier, l’inscription au registre de commerce ainsi que l’immatriculation au tableau national des promoteurs immobiliers, conformément au décret exécutif n°12-84 fixant les modalités de délivrance de l’agrément et de tenue du tableau national.

Parallèlement, le ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville a, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et les activités suspectes qui y sont liées, publié fin juin dernier (Journal officiel n°38) un règlement fixant les mesures imposées aux agents immobiliers pour la prévention et la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.

Ce texte impose aux agents immobiliers d’évaluer les risques afin de les identifier, de les comprendre et de les mesurer, en tenant compte des facteurs liés aux clients, aux produits et services, aux transactions, aux canaux de distribution, ainsi qu’aux zones géographiques concernées. Il prévoit également la prise en considération des évaluations et rapports nationaux pertinents.

Afin d’éviter toute transaction avec des personnes suspectes, les agents immobiliers doivent identifier et vérifier l’identité et l’adresse du client avant toute relation d’affaires ou opération, et, le cas échéant, élargir cette vérification au bénéficiaire effectif et aux mandataires agissant pour le compte de tiers. Ils doivent aussi recueillir des informations sur l’objet et la nature de la relation d’affaires. Le règlement les oblige à effectuer un suivi continu des transactions tout au long de la relation d’affaires, afin de vérifier leur cohérence avec la connaissance du client, de ses activités et de son profil de risque, y compris l’origine des fonds.

L’article 20 du règlement stipule que les agents immobiliers doivent s’abstenir d’établir une relation d’affaires ou de réaliser une opération prévue s’ils ne peuvent identifier et vérifier l’identité du client ou du bénéficiaire effectif. En cas d’impossibilité de mettre à jour ou de confirmer ces informations au cours de la relation d’affaires, ils sont tenus de mettre fin à cette relation et de transmettre une déclaration de soupçon à l’autorité compétente.

De plus, les agents immobiliers doivent disposer d’un dispositif de gestion des risques permettant d’identifier si un client potentiel, un client actuel ou un bénéficiaire effectif est une « personne politiquement exposée » (PPE), à savoir tout Algérien ou étranger exerçant ou ayant exercé de hautes fonctions législatives, exécutives, administratives, judiciaires, ou dirigeant un parti politique ou une organisation internationale. Dans ces cas, des mesures de vigilance renforcées doivent être appliquées, incluant la collecte d’informations supplémentaires sur l’origine des fonds et un contrôle renforcé de la relation d’affaires.

Dans un rapport récent, le ministère de la Justice a identifié quatre principales menaces pesant sur le secteur du notariat : les transactions immobilières suspectes susceptibles de dissimuler du blanchiment d’argent, telles que l’achat de biens en espèces, le transfert répété de propriété, les acquisitions en deçà ou au-dessus de la valeur réelle, ou encore l’utilisation d’intermédiaires (sociétés fictives, prête-noms) pour masquer l’identité du véritable propriétaire.

La fraude, notamment l’escroquerie et la participation à celle-ci, a été classée parmi les formes les plus graves de manipulation juridique. Elle permet d’accorder une « apparence » de légalité à des opérations frauduleuses, avec un risque aggravé lorsque le notaire ou ses collaborateurs y participent par négligence, complicité ou tolérance.

Le rapport pointe également plusieurs lacunes techniques et organisationnelles dans le secteur : absence d’un système d’information intégré reliant les chambres régionales à l’ensemble des offices notariaux, manque de bases de données fiables pour la vérification des identités et des sources de financement, ainsi qu’une insuffisance de ressources humaines qualifiées pour évaluer les risques liés aux transactions.

En pratique, les notaires se limitent souvent à la vérification des documents fournis (pièces d’identité, titres de propriété, justificatifs divers) sans procéder à une « analyse approfondie » des opérations, alors que la loi les y oblige. Cette faiblesse accroît la vulnérabilité du secteur face aux tentatives de blanchiment et aux pratiques frauduleuses.

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